Le chemin de gloire

J’ai refait le chemin qui pousse à la bruyère.
Lentement, comme il se fait en rêve où l’on revient sans cesse vers les bonnes journées,
Au cœur de la Cévenne quand midi plante son soleil dans les épaules nues.
Et cette voix qui court au-dessus des senteurs, rappelle un matin clair où je me suis noyé
Dans les herbes si hautes
Qu’enlacés nous n’avions plus aucun horizon.

Et toujours cette peau qui ne s’efface pas,
Même aux moments étranges que la douleur obsède
Et que revit l’espoir d’une autre vie plus dense.

Et le temps qui s’en va, qui court et qui galope,
Comme un jeune cheval emballé sous la pluie.
Le précipice est là mais il ne le sait pas ;
Le précipice est là qui ne recule pas.

J’ai gravé mille fois l’offrande de tes lèvres,
Indélébile trace où se meurent les mots
Qui redisent sans cesse le souvenir de nous
Et qui comptent les jours et les nuits et les heures.

Je te porte en fardeau, condamné que je suis
À ne rien oublier par delà les saisons
Dont chacune me dit le lieu de ton passage
Et que je reconnais même les yeux fermés.

Mais qui me pousse au soir à ressasser le vide,
A croire que la vie ne s’effacera pas,
Pour garder la mémoire et le souvenir franc
De notre court passage au flanc de ces collines ?

Enfant, javais pour moi l’immensité
À perte de vue, et sans barrière ni fossé.
L’infini des prairies, des vallons des montagnes,
Et tout était à moi sans partage et sans loi.

Avoir vécu cela et faire le serment
De ne rien oublier, quoi que le temps décide,
Malgré les traversées les routes les dérives…
Malgré que tout me pousse à être l’étranger.

Sur ce chemin de gloire effacé par la pluie, renoncé de verdure, aux pierres déchirées
Que mes pieds raccommodent encore,
Passant parmi les heures, goûtant à la beauté, je croise des fantômes, des ombres, des regards.
Est-ce mon père encore qui ne s’efface pas ?
Est-ce la main du temps qui frôle mon épaule ?
Est-ce un rêve éveillé qui joue dessus le monde ?

Grigny le 26 mai 2013
23h17

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